Seizième dimanche dans l'anné A - 1998/1999

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Qui ne se heurte au problème du mal ? Le mal est dans le monde et jusque dans l’Eglise. Pourtant, il est difficile de l’admettre. Nous voudrions un monde meilleur ou une Eglise sans taches ni rides. Assez volontiers, nous nous mettrions à la recherche de coupables. Pourtant, sur la terre, dans l’Eglise comme dans notre propre cœur, ivraie et blé poussent côte à côte. Nous sommes bien incapables de démêler les mauvaises herbes du bon grain. Faut-il le faire d’ailleurs ?

Jésus met en garde contre la précipitation  de ceux qui voudraient s’y attaquer. Il accepte dans son Eglise le mélange des bons et des mauvais. Il va jusqu’à provoquer le scandale en donnant ses préférences aux pécheurs. Il n’a jamais parlé d’une communauté de purs. Il est patient comme son Père. Il sait que le cœur de l’homme est subtil. Les actes les meilleurs peuvent cacher une forme insidieuse d’orgueil. Et des défauts extérieurs peuvent occulter injustement de réelles qualités. Que nous sommes impatients de la conversion… des autres ! Nous ne sommes pas mandatés pour opérer un tri et exclure ceux qui, à nos yeux, ne sont pas dignes. Il faut se méfier des purs et durs. Ils ne sont que des puritains qui, sous prétexte de purification, transformeraient le champ de blé en champ de bataille, arrachant  à la fois le froment et le chiendent, incapables qu’ils sont de les distinguer.

Telle n’est pas la manière de Jésus. Il est, lui, pour la méthode des petits pas. Il est patient et prudent. Il aime le cœur de chaque homme, où le bon grain et l’ivraie se livrent à une lutte sans merci. Au cœur du monde en proie à ses luttes et à ses déchirements, monde qui passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore, le Fils de Dieu a été enfoui, broyé comme le grain. Dieu sait le contraste entre la petitesse de ce grain enfoui et l’ampleur de la moisson finale, entre la modestie du levain et la masse de pâte qu’elle soulève.

Dieu a hâte de voir le Royaume parvenu à sa pleine maturité. Mais sa délicatesse à l’égard du monde fragilisé par le péché le rend radicalement patient. Il est puissant, nous dit le livre de la Sagesse, mais juge « avec indulgence ». Il gouverne « avec beaucoup de ménagement ».

Oui, l’ivraie  fait partie du champ de blé et du champ de nos cœurs. Il faut apprendre à vivre avec elle, en nous et autour de nous, et ne pas perdre cœur. Car la graine minuscule deviendra arbre, et la pincée de levure  gonflera la pâte du monde.

Oui, demandons la grâce de voir les germes d’éternité qui sont cachés au cœur du monde. Ce ne sont pas les apparences actuelles qui comptent. Rêvons du grand arbre que Jésus voit déjà dans ses yeux de ressuscité. N’en reste pas à ton minuscule grain de moutarde… pense aux oiseaux qui chanteront dans l’arbre ! Et, patiemment, humblement, jette ton unique grain. Il traversera les hivers. Et ta joie éclatera comme un soleil d’été !

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