Dix-huitième dimanche dans l'anné A - 1998/1999

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Le désert. Il y a celui des rocailles et des dunes, où toute végétation a disparu. Il y a celui des villes et des villages où tant de femmes et d’hommes souffrent de solitude. Mais voici qu’avec Jésus, qui part « en barque pour un endroit désert, à l’écart », il devient lieu de ressourcement  et de vie. Comment ne pas subir la contamination d’un monde profané et sans Dieu si on ne prend jamais le temps de la retraite et du recul ?

La foule, tant est forte sa réputation, y a précédé Jésus. « Saisi de pitié », le voilà qu’il se met à « guérir les infirmes ». Pas de discours, pas de beaux mots, mais la guérison, la santé offertes au milieu de la foule vibrante. Avec Jésus, guérisseur d’humanité pour ceux qui le rejoignent, « à l’écart », le désert se fait lieu de vie et de rencontre.

Mais déjà le jour baisse, comme au soir de la Cène ou de l’ensevelissement, comme à l’auberge d’Emmaüs aussi. Les premiers chrétiens avaient l’habitude de faire l’eucharistie comme un repas du soir. L’eucharistie, qui est le sacrement de nos nuits, où de mystérieuses clartés éclairent les ténèbres de nos déserts. L’eucharistie est le sommet de la foi, où Jésus nous donne le pain de sa Parole et le pain de son corps. Car derrière la faim de pain, il y a  une autre faim. Si les foules courent ainsi après le Nazaréen, c’est qu’elles pressentent en lui une puissance surnaturelle. « Venez, vous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommez (…) sans rien payer. » Jamais un pain de village ne suffira à rassasier la faim des hommes. Avec Jésus, le désert devient présence aimante et paix profonde du cœur.

 Les disciples se soucient de la foule. Il faut la disperser dans les villages, pensent-ils,  pour qu’ils « s’achètent à manger ». « Donnez-leur vous-mêmes à manger», répond leur maître. La solution ne peut pas être loin de Jésus. Il suscite la générosité modeste de ses compagnons : cinq pains et deux poissons. Dieu a besoin de nos petits moyens humain, de nos cinq pauvres petits pains et de nos deux simples poissons. Il les bénit, et les mains des apôtres les distribuent jusqu’à satiété. Certes Jésus n’a pas supprimé, par ce geste généreux d’un jour, la grande misère de la faim dans le monde. Mais, « saisi de pitié pour les foules », il multiplie en nous sa sollicitude et sa capacité à aimer gratuitement. Avec Jésus, le désert  se mue en partage et en surabondance.

Non, Dieu ne nous retire pas du désert du monde. Nous connaîtrons encore ses cailloux et ses soifs. L’épreuve viendra à certaines heures nous faire tomber sur ses pistes. Mais déjà tout est transfiguré. « Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ. » Invisiblement, sous les humbles signes de sa Parole et de son Pain, il vient nourrir la faim des cœurs. Et en même temps, par l’eucharistie, il nous renvoie à nos tâches fraternelles.

Même avec trois fois rien. Même dans le désert.

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