Vingt-huitième dimanche dans l'anné A - 1998/1999

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Voici une parabole dont la finale risque de nous heurter. Que tous soient invités, les mauvais et les bons, n'est déjà pas si simple à accepter, mais qu'un bonhomme, invité à l'improviste, soit rejeté et condamné, pour n'avoir point sur lui le vêtement de noce, voilà qui nous paraît tout à fait injuste. Ce le serait s'il fallait prendre tous les détails de cette histoire à la lettre. En fait, Matthieu a ajouté cette finale pour mettre en garde les tricheurs, ceux qui prennent prétexte de la grâce de Dieu pour se conduire sans nul égard pour tant d'amour et de largesse. Sans même rendre grâce... Sans désir effectif de conversion, sans un certain appétit de Dieu…

Le vêtement des noces ne serait-il pas simplement l'action de grâce ?  Rendre grâce, c'est plus que dire merci... C'est ne faire qu'un avec la grâce, se laisser envahir par le don de l'amour. Nous sommes invités au banquet de l'Agneau, sans aucun droit de notre part. Par le baptême, nous sommes revêtus de la gloire du Christ, nous sommes devenus un seul être avec lui, car nous sommes son corps. Vivre de lui est comme un vêtement de fête. Nous ne demandons pas à quoi nous sommes tenus. Aux noces du Seigneur, nous sommes tout à la fois les invités et l'épousée, l'unique et l'élue : comment ne pas déborder d'action de  grâce ? Et comment ne pas vivre sans irradier de grâce et d'un trop plein d'amour ?

On va nous dire:  Dieu n'en demande pas tant !  Mais Dieu ne nous demande rien. Il donne tout, et c'est parce que nous sommes à ce point comblés que nous donnons à notre tour, sans rien compter. On se plaint que l'homme de la parabole ait été rejeté dans les ténèbres, mais le roi n'a rien fait que de le renvoyer dans son monde à lui, son univers mesquin de droits et d'exigences, où tout est paralysé sans plus aucune liberté. Un univers de mort, un univers recouvert d'un linceul. Comment venir à la Table du Christ sans un beau vêtement de grâce ? Communier à la coupe d'allégresse en osant savourer le vin nouveau, oser lever les mains en disant  Notre Père, chanter de tout son cœur, sourire en se donnant la paix... Voilà de bien petites choses, belles comme un manteau de fête ?

Mais, plus encore, aimer sans se lasser et pardonner, rendre service et le bien pour le mal, laisser venir en nous un regard de bonté pour essuyer les larmes des visages : voilà d'aussi petites choses qui changent notre vie et font de nous les invités heureux des noces de l'Agneau. Pour cette fête, il n'est pas nécessaire de dépenser une fortune et de chercher des habits de prestige. Certes l'Eglise est pleine de misères, mais si Dieu nous appelle, n'avons-nous pas, une fois entrés, à nous efforcer de devenir justes. La grâce nous en est faite. : nous avons à y correspondre.

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