Solennité de l'Epiphanie A - 2001-2002
Il était une fois un roi inquiet, une étoile qui devait glorifier la lignée du messie, un mage venu de l'étranger et invité à servir les projets malveillants du roi. Or il advint que ce mage fit tout le contraire de ce que le roi attendait de lui, et qu'il s'en retourna d'où il était venu, sans être inquiété... Cette histoire, chacun de nous croit la connaître. Et pourtant, telle que je viens de vous la raconter, elle provient d'un très vieux texte de la Bible (Nombres 22-24) qu'on ne lit pas souvent. Le roi de Moab s’inquiétait de voir le peuple d'Israël marcher vers la Terre Promise. L'étoile, c'est celle qu'un devin étranger voit s'élever au-dessus de Jacob pour annoncer le messie à venir. Le mage, c'est Balaam, venu d'un pays lointain juché sur son ânesse. Il était venu pour maudire le peuple d'Israël. Mais Dieu empêche Balaam de le faire... Bien plus, il le fait bénir Israël puis le laisse repartir d'où il était venu en le protégeant de la fureur du roi...
Les chrétiens d'origine juive, auxquels s'adresse l'évangéliste Matthieu, connaissaient bien cette histoire de Balaam. Ils ne sont pas surpris de le voir la reprendre pour évoquer la naissance de Jésus.
Le roi malveillant ? Mais, c'est Hérode!... Le mage venu de l'étranger ? Il est là, et même entouré d'autres devins ! L'étoile ? Elle est au rendez-vous, bien sûr, puisque c'est elle qui désigne le messie, de la lignée de Jacob et David.
Voilà donc un récit très imagé au prologue du premier évangile. A lui seul, il forme un résumé de tout ce qu'a retenu Matthieu concernant Jésus. Rappelons-en aujourd'hui quelques éléments...
Les mages : ils représentent les païens qui ont su, mieux que les Juifs, accueillir le messie. C'est un thème cher à Matthieu : à la fin de son évangile, il sera le seul à rapporter l'intérêt porté par la femme de Pilate - une païenne - au salut de Jésus. Dès le début, les païens, les étrangers, sont là auprès de l'enfant Jésus, tandis que les autorités juives ne se déplacent même pas ! Il y a pour nous une première mise en garde : gardons-nous de coller des étiquettes aux autres : les plus proches du Christ ne sont pas nécessairement ceux qu'on pense !
L'étoile : sans elle, les mages ne découvriraient pas le Fils de Dieu. De ce point de vue, elle est l'image de la foi : un don que Dieu nous fait. Elle est comme un signe dans la nuit, le signe d'un Dieu qui n'abandonne pas les hommes dans leurs ténèbres, mais se plaît à les rassurer en leur rappelant sa fidélité. Peut-être avons-nous là une invitation à considérer, avec émerveillement, toutes les étoiles qui ont guidé notre route vers le Christ ? Combien y en a-t-il eu de ces événements, de ces rencontres, de ces paroles qui ont été autant d’étoiles dans notre vie.
Les mages lui apportent l'or, comme à un roi : car il s'agit que Jésus soit Seigneur de notre vie, qu'il règne sur nos désirs, nos projets, nos pensées, nos actes, nos choix... Jésus est roi, mais pas n'importe lequel. La fragilité même de l’enfant de Bethléem nous montre que sa toute-puissance est d’aimer.
Ils lui offrent de l'encens, comme à un dieu : car Jésus est plus qu'un prophète. Nous disons du Seigneur Jésus qu'il est désormais assis à la droite du Père; c'est une manière de dire qu'il est égal au Père, vrai Dieu né du vrai Dieu.
Le troisième présent est la myrrhe enfin, celle dont on se sert pour les soins funéraires. Jésus n'a pas fait semblant d'entrer dans notre histoire. Lui qui était immortel a accepté, pour nous, de devenir mortel. Il nous a donné sa mort en gage de notre résurrection !
Enfin, c'est par un autre chemin que les mages regagnent leur pays... C'est l'image même de la vie chrétienne, c'est-à-dire de la conversion. Quand on a découvert Jésus, on ne peut pas continuer comme avant... Il faut changer de cap, changer de route! On n'approche pas impunément de Dieu : la rencontre avec le Seigneur, si elle est authentique, laisse des traces et produit des changements dans notre vie ! Demandons à Dieu qu'il en soit ainsi dans chacune de nos vies, pour que l'amour du Christ soit vraiment manifesté partout où des hommes, comme les mages de l'évangile, sont en quête d'un monde meilleur !