Deuxième dimanche de carême A - 2001-2002

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Les textes de la liturgie nous présentent les trois plus grands personnages de l'Ancien Testament, Abraham, Moïse et Elie, ceux qui ont eu la plus grande intimité avec Dieu. Abraham à qui Dieu parlait comme à un ami. Moïse, qui après avoir passé quarante jours en contact intime avec Dieu, redescend du Sinaï le visage tellement rayonnant de lumière que les Israélites lui demandent de le voiler. Elie enfin à qui Dieu va se manifester, non pas dans l'orage ni dans le tremblement de terre, mais dans le souffle d'une brise légère.

Donc, ces trois hommes sont là aujourd'hui, présents à notre mémoire collective d'Eglise, comme pour authentifier la scène de la Transfiguration. Cette scène est comme un pivot : il y a l'avant, toute l'histoire prestigieuse du Peuple de Dieu, toute la très lente démarche des hommes pour accueillir le message du Dieu Vivant ; et l'après, c'est-à-dire, à partir de la montagne de la Transfiguration, la marche vers Jérusalem, vers la Passion, la mort et la résurrection. Les trois disciples qui sont là comme témoins de la transfiguration seront ceux qui verront Jésus défiguré dans son agonie et sa passion, avant d'être témoins du Seigneur ressuscité.

Oui, celui qui n'a voulu s'appeler que « le Fils de l'homme », celui que Pilate présentera en disant : « Voilà l'homme », nous indique notre destin, le destin final de l'humanité « bénie de Dieu » : en Jésus, tous les baptisés ont tantôt le visage transfiguré par l'amour, tantôt défiguré par la souffrance, tous, nous sommes placés sous la puissance de la bénédiction de Dieu nous fera traverser l'obstacle de la mort.

Les mots, comme les personnes, comme tout ce qui est vivant, vieillissent et meurent. Aujourd'hui, on a perdu toute la force et tout le sens qu'avait le mot « bénédiction » dans une civilisation de la parole. Aujourd'hui, on demande une « petite bénédiction ». On va bénir une médaille, une maison, une auto. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit quand Dieu parle de bénédiction. Dans la Bible, toute parole est efficace. Quand Dieu dit à Abraham : « Je te bénirai », il faut le comprendre à la racine du mot hébreu : elle dit la fécondité. Donc, Dieu communique à celui qu'il bénit un dynamisme, une force de croissance et de progrès, une puissance vitale.
La parole que Jésus entend au jour de sa Transfiguration : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », est authentiquement une bénédiction, au sens plénier du mot. C'est Dieu qui investit cet homme-Jésus, qui n'a voulu être qu'un homme, et qui va être transfiguré un instant par cette parole d'amour et de bénédiction. Dieu lui communique un dynamisme, une force qui va lui permettre d'aller de l'avant. Et à Pierre qui dit : « C'est bien ! On va s'arrêter, on va construire des tentes », Jésus répond : Non ! On repart. Vers la souffrance, vers la mort et la résurrection, vers Jérusalem.

Voilà dans quel sens le Christ nous indique aujourd'hui, d'une part, comment il est bénédiction pour toute l'humanité sauvée, et d'autre part comment chacun de nous, dans notre existence quotidienne (malgré toutes les peines et les souffrances qu'il ne faut pas nier, qu'il faut assumer), nous sommes dynamisés, parce que, nous aussi, nous avons entendu, au jour de notre baptême, la Parole efficace de Dieu : « Tu es mon enfant bien-aimé. » Si nous croyons cela, nous aurons des visages transfigurés, parce que nous aurons cette certitude : il y a en nous la force, la puissance, le dynamisme de Dieu.

Sur notre route terrestre, nous connaîtrons joies et peines, succès et échecs, bonheur et malheur, et nous aurons à repartir chaque jour, comme le Christ, assurés de la puissance de Dieu. Il nous aime d'un amour éternel. Avec sa force, nous passerons même la mort, sachant qu'il « transformera notre corps de misère à l'image de son corps glorieux », au jour de la résurrection. Que nos visages, dès aujourd'hui, reflètent quelque chose de ce bonheur de nous savoir aimés.

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