Cinquième dimanche de carême A - 2001-2002

Retour

Après les évangiles de la Samaritaine et de l'aveugle-né, voici, en ce dernier dimanche de carême et avant que ne s'ouvre la semaine sainte, un troisième long récit symbolique de l'évangile de Jean. Comme les précédents, il s'agit d'une catéchèse sur le baptême. Baptême veut dire « plongée »... pas seulement dans la cuve baptismale, lorsque l'on faisait les baptêmes par immersion, mais plongée dans la mort et la Résurrection de Jésus. Tel est le rude message qui précède le récit de la Passion que nous lirons dimanche prochain : si l'on veut espérer avoir part à la Résurrection du Christ, il nous faut le suivre jusque dans sa mort, plonger avec lui dans la mort.

La résurrection de Lazare est, dans le quatrième évangile, le septième et le dernier signe de Jésus, et il se situe six jours avant la Pâque... préfigurant en Lazare ce qui va arriver à Jésus. Car c'est de Jésus, plus que de Lazare, qu'il est question ici ! C'est ce qui est signifié dans deux détails surprenants du récit.

D'abord l'étonnante finale du récit. Si vraiment Lazare est revenu de la mort, on s'attendrait à ce que sa sortie du tombeau soit exaltée, à ce que lui et ses sœurs se précipitent pour remercier Jésus... Or, rien de tout cela ! Lazare ne dit pas un mot et disparaît dans l'arrière-plan tandis que les projecteurs se concentrent sur Jésus.

Et puis, avant même cette finale un peu frustrante, il y a ce retard de Jésus... Jésus qui ne semble pas pressé de partir, alors même qu'on lui dit que son ami est au plus mal... Jésus qui, quand il se décide à partir, traîne encore ! Présenté par Jean comme le souverain maître de l'histoire, Jésus ose répondre au reproche des deux sœurs : « je me réjouis pour vous de n'avoir pas été là-bas, afin que vous croyiez ». Réponse à laquelle il faut donner toute sa portée, car à partir de la mort de Lazare elle vise toutes les morts de l'humanité. Jésus n'est pas venu abolir la mort et transformer d'un geste magique la condition de l'homme. Il est venu montrer que Dieu n'est pas du côté de la mort, mais de la vie, et que, s'il laisse à la mort un temps son pouvoir, c'est parce que, à travers elle, il donne à l'homme, dans la foi, l'espérance et l'amour, d'en sortir vivant et vainqueur. Mais cette victoire, Jésus lui-même ne l'obtient qu'en subissant la mort. De cette mort, infâme et unique, va surgir la vie pour tous les enfants de Dieu, où qu'ils soient dans le monde et dans l'histoire.

Oui, tout est donné en Jésus, puisque, sur son appel, Lazare sort du tombeau. Tout est fait... et pourtant tout reste à faire ! Du tombeau de Béthanie, c'est un homme dont la vie est simplement prolongée qui sort. Le texte dit même « le mort sortit »... Lazare ne bénéficie que d'un sursis.

Jésus invite les gens à le libérer des bandelettes qui l’enserraient. « Déliez-le et laissez-le aller ! » Seule la Résurrection de Jésus est totale et définitive, lui dont le linceul est soigneusement roulé et rangé dans le tombeau.

 « Déliez-le et laissez-le aller ! ». Voilà notre tâche de baptisés. Dieu a mis en nous au baptême une semence de vie éternelle, mais les soucis, l'égoïsme risquent de l'étouffer et de l'empêcher de grandir. « Déliez-le et laissez-le aller ! » Il y a dans nos vies de ces liens, de ces cocons et autres carapaces que nous nous formons et qui nous ligotent.

« Déliez-le et laissez-le aller ! » Il ne nous reste que 15 jours d'ici Pâques. Inventons un jeûne de carême qui soit une occasion de plus grande liberté à l'égard de ce qui nous ligote. Accueillons d'ici Pâques le sacrement de la Réconciliation comme la grâce d'être déliés de nos péchés. Accueillons l'invitation à la prière comme une purification de nos représentations sur Dieu. Enfin accueillons la collecte du Carême de Partage comme une certaine liberté par rapport à l’argent.

Depuis le jour de notre baptême, la vie éternelle est commencée. Mais il y a encore dans nos vies bien des odeurs de mort à chasser... des jalousies, mesquineries qui entravent notre marche, au point que, de chacun de nous comme de Lazare, Jésus peut dire : « Déliez-le et laissez-le aller ! »

Retour