Cinquième dimanche ordinaire A - 2001-2002

Retour

En regardant de plus près le passage d'Evangile que nous venons d’entendre, je m'aperçois qu'il ne s'adresse pas à des individus, à chacun de nous individuellement, mais à un collectif : les disciples rassemblés autour de lui sur la montagne, nous, aujourd'hui, rassemblés autour de lui dans cette église. Donc, il faut bien nous rendre compte que celui qui a dit un jour, en se présentant aux foules, il y a deux mille ans : « Je suis la lumière du monde », nous dit, à nous aujourd'hui, Eglise, corps du Christ : « Vous êtes la lumière du monde ». C'est-à-dire que vous, collectivement, vous êtes chargés de le rendre présent, lui et son message de lumière.

Ce que proposent tous les gourous, vous pouvez le remarquer, c'est un salut individuel. Par contre, le message du Christ est pour « le salut du monde », pour l'humanité, en tant que corps social. Le Christ est mort « pour la multitude ». Il ne s'agit donc plus de faire son salut, individuellement, il s'agit de travailler à la suite du Christ au salut du monde, traduisons : à être sel de la terre et lumière du monde.

L'Eglise a rêvé, pendant des siècles, d'une « Chrétienté ». C'est-à-dire d'une société où tous les hommes vivraient selon l'esprit, selon la loi de l'Evangile. Hélas, ça n'a jamais marché. Regardez les résultats des essais qui ont été faits quand l'Eglise a eu la possibilité de s'imposer au monde. Ca a mené à des choses monstrueuses. Dans nos pays de vieille tradition chrétienne, regardez comment les conflits entre familles, entre groupes d'opinions et de sensibilités différentes, comment les divisions au sein même de la grande famille chrétienne ont été - et sont encore aujourd'hui - d'une violence inouïe.

Alors ! Comment être sel de la terre sans écœurer le monde ? Comment être lumière des hommes sans l’aveugler ? Jésus le dit dans cet évangile : il faut que « les gens voient ce que vous faites de bien ». C'est tout simple. Et Isaïe précise : « Partage avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, ne te dérobe pas à ton semblable...Fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante ». Tout le message de l'évangile est ainsi vécu en termes de libération. Le rôle politique des chrétiens, encore une fois, collectivement, c'est un rôle de libération de l'homme. Il faut faire en sorte que l'homme, tout homme, puisse tenir debout, librement, sans tuteurs, et qu'il puisse être en relation vraie, fraternelle. Les hommes pourront « rendre gloire à Dieu » si, en tous les domaines, les chrétiens prennent la défense de l'homme.

Il s’agit aussi d’instaurer des types de relation qui libèrent, à commencer dans l'Eglise. Parce que, là aussi,  ce furent des rapports de pouvoirs, d'autorité, et non des rapports de service, comme le Christ l'avait demandé : « Celui qui veut être le premier doit être le dernier et se faire le serviteur des autres ». Donc, qu'il y ait des chefs, - un pape, des évêques, des curés, c'est nécessaire -, mais c'est le type même de relations (relations de pouvoir, de puissance) qu'il s'agit de détruire, pour créer d'autres types de relations fraternelles. Parce que l'Eglise ne sera pas lumière par ce qu'elle dit, par ses proclamations, ses déclarations. Elle sera lumière par ce qu'elle est. Comment faire ?

Je pense qu'il s'agit simplement, très humblement, de tisser, à longueur d'années, à longueur de vie, des liens d'amitié fraternelle. En nous rencontrant, en nous écoutant, en nous respectant et en respectant nos différences. En essayant de vivre ensemble quelque chose de vrai, en cherchant toujours chez l'autre le positif, en mettant en arrière, délibérément, ce qu'il y a en lui de négatif, car on a tous des aspects négatifs. En cherchant entre nous la bienveillance. On ne peut pas être chrétiens tout seuls. On ne peut être chrétien que dans un collectif, le Corps du Christ. C'est cela que nous essayons de faire. Alors, au fur et à mesure que ces liens fraternels se tisseront entre nous, nous pourrons ensemble regarder ce monde et y travailler pour y apporter un peu de saveur, un peu de clarté.

Retour