Dimanche de la Sainte Famille A - 2001-2002

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Au fond, nous avons très peu de renseignements sur la famille de Nazareth. Et pourtant, dans les quelques textes évangéliques qui évoquent les années cachées (30 ans, c'est-à-dire les 9/10e de la vie de Jésus) il y a quelque chose d'essentiel. En particulier, celui que nous venons de lire aujourd'hui. Il nous présente une famille comme les autres, mais quand même une famille assez extraordinaire : une famille de réfugiés politiques. Ca existe, aujourd'hui même, en Israël, et un peu partout dans le monde. L'enfant Jésus va passer ses premières années dans la condition d'un gosse de réfugiés. C'est la première des choses. Et ils vont vivre dans cette condition extrêmement difficile de tous les réfugiés politiques, avec la peur du lendemain, la peur de manquer de l'élémentaire.

Il y a une deuxième leçon dans ce récit : l'accueil de l'avenir, dans une grande confiance en Dieu.  L'enfant Jésus est un mystère pour ses parents : ils n'avaient jamais pensé à tout ce qui leur arriverait à cause de lui et qui va les obliger à vivre le quotidien avec une grande confiance en Dieu.

Tout cela dit quelque chose d'important pour nos familles d'aujourd'hui. D’abord parce que la famille, telle qu'elle est aujourd'hui, est totalement différente de ce qu'elle était il y a cent ans. Nous vivons des mutations importantes. Saurons-nous les accepter avec un esprit ouvert et avec discernement ?

Deuxièmement, à l'exemple de la famille de Nazareth, s'accepter et s'accueillir différents. L'enfant Jésus était totalement différent de ce que ses parents avaient pu imaginer. Mais tous vos enfants, de même, sont différents de ce que vous aviez pensé avant leur naissance. Et plus on prend de l'âge, plus les différences s'accentuent entre enfants et parents, et entre les parents également. On n'est pas les mêmes à cinquante ans qu'à vingt ans, au moment de nos premières amours. S'accepter différents, ce n'est pas toujours facile. Mais c'est indispensable. Comme Marie et Joseph ont accepté, probablement difficilement, cet enfant qui bouleversait tout dans leur vie. S'accepter différents, c'est le contraire du racisme. Le racisme, c'est refuser toujours ce qui est différent. Je crois que la famille est une bonne école de lutte contre le racisme, si nous vivons la différence et si nous acceptons l'autre tel qu'il est.

Aujourd'hui, nous lisons un texte de St Paul. J'imagine les dames s'insurger en lisant : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». Bien sûr. Mais qu'est-ce qu'on pouvait y faire, au temps de Paul, alors que dans l'ensemble des sociétés antiques c'était la règle. Qu'est-ce que pouvait changer une poignée de chrétiens ? Mais en même temps, Paul invite à accueillir une nouveauté qui vient de l'évangile. Paul ajoute : « Maris, aimez vos femmes ». Et ça, je vous assure, ça n'existait pas dans le monde grec. Donc, il y a d'une part le constat de ce qui est et d'autre part l'accueil d'une nouveauté. C'est la même chose pour les enfants. Paul dit : « Enfants, obéissez à vos parents ». Ca s'est toujours fait. Mais ce qui est neuf, c'est la suite : « Parents, n'énervez pas vos enfants ».

Nos familles sont le lieu privilégié d'une éducation mutuelle. Et le mot « éduquer" » veut dire littéralement « faire sortir de ». Les parents sont chargés d'éduquer leurs enfants, de les faire sortir du cocon familial pour qu'ils puissent vivre par eux-mêmes et être capables d'affronter les réalités de l'existence. Mais l'éducation n'est pas seulement des parents vers les enfants. Elle est réciproque : un mari et une femme s'éduquent mutuellement, et les enfants, d'une certaine manière font l'éducation de leurs parents. C'est normal. C'est grâce à cette éducation mutuelle que nos familles pourront nous permettre d'affronter ce monde difficile et d'y tenir notre place : un monde où l'on pourra s'accepter différents, sans aucun soupçon de racisme. Vous voyez comment, de nos jours, la famille est un lieu important d'éducation pour vivre l'amour et la confiance en Dieu.

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