Cinquième dimanche de carême A - 2004-2005
Après les évangiles de la Samaritaine et de l’aveugle-né, voici, en ce dernier dimanche de carême, avant que ne s’ouvre la semaine sainte, un troisième 3ème long récit symbolique de saint Jean.
Comme les précédents, il s’agit d’une catéchèse sur le baptême, sur la « plongée » dans la mort et la Résurrection de Jésus. Tel est le rude message qui précède le récit de la Passion que nous lirons dimanche prochain : si l’on veut espérer avoir part à la Résurrection du Christ, il nous faut plonger avec lui dans la mort.
La résurrection de Lazare est, dans le quatrième évangile, le dernier « signe » de Jésus, et il se situe six jours avant la pâque, préfigurant en Lazare ce qui va arriver à Jésus. Car c’est de Jésus, plus que de Lazare, qu’il est question ici. Deux détails surprenants du récit nous le montrent.
D’abord l’étonnante finale du récit. Si vraiment Lazare est revenu de la mort, on s’attendrait à ce qu’il raconte ce qu’il a vu dans son expérience de la mort... Rien de tout cela ! Il ne pipe mot et disparaît dans l’arrière-plan tandis que les projecteurs se fixent sur Jésus. Et puis, avant même cette finale frustrante, il y a ce retard de Jésus qui ne semble pas pressé de partir, alors même qu’on lui dit que son ami est au plus mal. Jésus qui reste encore trois jours sur place avant de se mettre en route. Jésus ensuite qui ose répondre au reproche des deux soeurs : « je me réjouis pour vous de n’avoir pas été là-bas, afin que vous croyiez. »
Cette réponse, il faut lui donner toute sa portée : à travers la mort de Lazare elle vise toutes nos morts. Jésus montre que Dieu n’est pas du côté de la mort, mais de la vie, et que, s’il laisse à la mort un temps son pouvoir, c’est parce que, à travers elle, il donne à l’homme, par la foi, l’espérance d’en sortir vivant et vainqueur.
Mais cette victoire, lui-même ne l’obtient qu’en subissant la mort. « Si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous, » nous disait saint Paul dans le deuxième lecture. De la mort infâme que subira Jésus, va surgir la vie pour tous les enfants de Dieu.
Au cœur du récit évangélique, ce n'est pas le miracle qui importe, mais le dialogue de Jésus avec Marthe. « Je suis la résurrection et la vie », et aussi la réponse de Marthe: « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu qui doit venir dans le monde. » Cette confession de foi de Marthe dans l'Évangile de Jean est bien plus plénière que celle de Pierre : « A qui irions-nous ? Tu as les paroles de vie éternelle » (6, 66-71).
Le texte d'Ézéchiel peut nous aider à appliquer ce récit à notre existence : « Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez de nouveau. » Nous faisons l'expérience de la mort de plusieurs façons au cours de notre existence. La façon dont Lazare sort du tombeau en est l’expression symbolique : « les mains et les pieds liés de bande et le visage couvert d'un suaire ».
Notre « visage est couvert d'un suaire. ». Ce suaire peut être le masque de mort que nous nous sommes fait pour nous protéger des autres, ou pour nous montrer autre que ce que nous sommes. Peut-être est-ce le masque de nos ambitions, de nos peurs ou de nos mensonges … autant de formes de mort.
« Déliez-le et laissez-le aller ! » Il ne nous reste que quinze jours d’ici Pâques. Inventons un jeûne qui soit une occasion de plus grande liberté à l’égard de ce qui nous aliène. Accueillons le sacrement de la réconciliation comme la grâce d’être déliés de nos péchés. Accueillons l’invitation à la prière comme une plus grande intimité avec Dieu. Enfin partageons avec les pays du Sud par la deuxième collecte d’ « Entraide et Fraternité » dimanche prochain.