Epiphanie A - 2004-2005

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Il était une fois un roi inquiet, une étoile qui devait glorifier la lignée du messie, un mage venu de l'étranger et invité à servir les projets malveillants du roi. Or il advint que ce mage fit tout le contraire de ce que le roi attendait de lui, et qu'il s'en retourna d'où il était venu, sans être inquiété...

Cette histoire, chacun de nous croit la connaître. Et pourtant, telle que je viens de vous la raconter, elle provient d'un très vieux texte de la Bible qu'on ne lit pas très souvent. Cette histoire, en effet, est tirée de l'Ancien Testament, et plus précisément du livre des Nombres, aux chapitres 22 à 24. Le roi inquiet, c'est le roi de Moab qui voit le peuple d'Israël, nombreux et puissant, en marche vers la Terre Promise. L'étoile, c'est celle qu'un devin étranger voit s'élever au-dessus de Jacob pour annoncer le messie à venir. Le mage, c'est Balaam, venu d'un pays lointain juché sur son ânesse. Il était venu, à l'invitation du roi de Moab, pour maudire le peuple d'Israël. Mais Dieu ne l'entend pas ainsi et il empêche Balaam de maudire Israël... Bien plus, il le fait bénir Israël et, pour finir, laisse le devin repartir d'où il était venu en le protégeant de la fureur du roi...

Les chrétiens de Palestine auxquels s'adresse l'évangéliste Matthieu - des chrétiens d'origine juive - connaissaient bien cette histoire de Balaam. Ils ne sont pas surpris lorsque, au début de son évangile, Matthieu, le juif, reprend cette histoire pour évoquer la naissance de Jésus. Le roi malveillant? Mais, c'est Hérode !... Le mage venu de l'étranger? Il est là, et même entouré d'autres devins! Matthieu ne nous dit ni leur nombre ni leurs noms, mais la tradition veut qu'ils soient trois, qu'ils soient rois, et qu'ils s'appellent Melchior, Gaspar et Balthazar... Pourquoi pas! L'étoile? Elle est au rendez-vous, bien sûr, puisque c'est elle qui désigne le messie, de la lignée de Jacob et David.

Voilà donc le récit très imagé de l'évangile de Matthieu que l'Église nous propose en cette fête de l'Épiphanie. Un récit très imagé, c'est vrai, mais qu'il ne faut pas pour autant prendre à la légère. Ce prologue que forment les deux premiers chapitres de Matthieu, c'est à lui seul un mini-évangile, un résumé de tout ce qu'a retenu Matthieu concernant Jésus. Qu'il nous suffise, aujourd'hui, d'en rappeler et d'en "ruminer" quelques éléments...

Les mages: ils représentent les païens qui ont su, mieux que les Juifs, accueillir le messie. C'est un thème cher à Matthieu: à la fin de son évangile, il sera le seul à rapporter l'intérêt porté par la femme de Pilate - une païenne - au salut de Jésus. Dès le début, les païens, les étrangers, sont là auprès de l'enfant Jésus, tandis que les autorités juives - les chefs des prêtres, les scribes et le roi Hérode - ne se déplacent même pas! Il y a là pour nous une première mise en garde: ne classons pas trop vite les gens. Gardons-nous de leur coller des étiquettes, surtout concernant la foi: ceux qui sont les plus proches du Christ ne sont pas nécessairement ceux qu'on croit!

L'étoile: sans elle, les mages ne découvriraient pas le Fils de Dieu (de même que, dans l'évangile de Luc, les bergers n'auraient pas trouvé la crèche s'il n'y avait pas eu des anges pour leur indiquer le chemin). De ce point de vue, l'étoile est l'image de la foi: un don que Dieu nous fait. Elle est comme un signe dans la nuit, le signe d'un Dieu qui n'abandonne pas les hommes dans leurs ténèbres, mais se plaît à les rassurer en leur rappelant sa fidélité.

Les mages, nous dit l'évangile, "furent remplis de joie à la vue de l'étoile"... Peut-être est-ce pour nous une invitation à considérer, avec émerveillement, toutes les étoiles qui ont guidé notre route vers le Christ? Combien y en a-t-il eu de ces événements, de ces rencontres, de ces paroles qui ont été comme des étoiles à certaines périodes sombres de notre vie!

L'or, l'encens et la myrrhe... De l'or, comme à un roi : car il s'agit que Jésus soit Seigneur de notre vie, qu'il règne sur nos désirs, nos projets, nos pensées, nos actes, nos choix... Il s'agit pour nous de faire advenir le règne de Dieu sur la terre. Jésus est roi, mais pas n'importe quel roi. La fragilité même de cet enfant de Bethléem nous montre que ce roi n'a pour seule puissance que celle de son amour. Il n'est tout-puissant que par amour! De l'encens, comme à un dieu : car en Jésus, c'est plus qu'un prophète que Dieu nous envoie. Nous disons du Seigneur Jésus qu'il est désormais assis à la droite du Père; c'est une manière de dire qu'il est égal au Père, vrai Dieu né du vrai Dieu.

De la myrrhe enfin, comme celle dont on se sert pour faire les soins funéraires. Jésus n'a pas fait semblant d'entrer dans notre histoire. Les mages lui offrent de la myrrhe, car Lui qui était immortel a accepté, pour nous, de devenir mortel. Il nous a donné sa mort en gage de notre résurrection ! Enfin, c'est par un autre chemin que les mages regagnent leur pays... C'est l'image même de la vie chrétienne, c'est-à-dire de la conversion. Quand on a découvert Jésus, on ne peut pas continuer comme avant... Il faut changer de cap, changer de route! On n'approche pas impunément de Dieu: la rencontre avec le Seigneur, si elle est authentique, ne laisse pas indemm. Elle produit des changements dans notre vie! Demandons à Dieu qu'il en soit ainsi pour que l'amour du Christ soit vraiment manifesté partout où des hommes, comme les mages, sont en quête d'un monde meilleur!

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