Troisième dimanche de carême A - 2007-2008

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Les Juifs détestaient les Samaritains qui étaient pour eux un peuple d’hérétiques impurs qui ne fréquentaient pas le temple de Jérusalem. La religion juive, fascinée comme beaucoup d'autres religions par la sexualité et le sang, considérait aussi les femmes comme impures. L’attitude de Jésus ne pouvait qu’apparaître scandaleuse, puisqu’il aborde une femme impure à un triple titre : elle est samaritaine, elle est femme et elle est de mœurs légères. Les maris, vrais ou faux, se succèdent chez elle…
Avec son extraordinaire liberté, Jésus renverse cette triple barrière. Et déjà nous pouvons en tirer une conclusion pratique : nul n’est trop loin pour Dieu. Pour lui, personne n’est impardonnable ni d'irrécupérable. Toute femme, tout homme ont droit à l'eau vive de sa Parole et de son Amour.

Mais comme il s’agit d’un texte de saint Jean, la portée est chez lui toujours symbolique, jamais épisodique. Pour les nomades, un puits, c'est bien plus qu'un puits. C’est un lieu de rencontre (et parfois de conflits), un lieu où l'on échange, où l'étranger peut devenir ami. Il est aussi l’endroit où les mariages se nouent (voir Isaac, Jacob ou encore Moïse). Le puits au bord duquel Jésus rencontre la Samaritaine n'échappe pas à cette expression symbolique.
L'eau, rare dans les collines arides de Palestine, c'est maintenant la Parole de cet homme mystérieux. Une parole qui rejoint la profondeur du puits qu’est le cœur humain. Une parole qui met au jour la vérité d'une vie. « Il m'a dit tout ce que j'ai fait, venez l'écouter ». Une parole plus nécessaire encore qu'une source au milieu du désert, qu’une oasis dans la steppe.
Une parole définitive aussi. Maintenant la Samaritaine peut laisser là sa cruche avec laquelle elle puisait l'eau du puits. Elle n'a plus soif de cette eau-là, elle n'a plus soif de ces amours-là. Les mots de Dieu ont comblé sa soif.
Le puits, là où se tissent les noces, devient ce lieu où se déclare le mariage spirituel, la nouvelle alliance entre le Christ et l'humanité, l'humanité fût-elle pécheresse et païenne. Jésus fait entrevoir l'adoration du Père en esprit et en vérité, bien au-delà des querelles de peuples et de religions. Ce ne sera, dit Jésus, ni à Jérusalem, ni sur le mont Garizim, ce sera chaque fois où, du fond du cœur, des hommes se tourneront vers Dieu.

Aujourd'hui comme hier, Jésus fait jaillir l'eau vive de sa Parole en pleine Samarie des païens, des hérétiques, des impurs. Ces Samaritains que l'Evangile nous demande d'accueillir, qui sont-ils ? Qui sont-elles ? C'est peut-être cette belle-sœur divorcée que la famille rejette, c'est peut-être ce collègue de travail dont on n'ose pas soutenir le regard ? Ou cet homme dont on s’écarte à cause de sa race, de sa religion, ou tout simplement de son « look » ?

La Samarie, elle est aussi en chacun de nous. Quand je désespère de moi-même, lorsque je refuse de me pardonner à moi-même : « Ma vie est trop moche, je rate tout, Dieu ne peut pas m'aimer. » Jésus propose l'eau vive à tous, à commencer par le Samaritain, la Samaritaine que je suis ! Confesser aujourd'hui que Jésus est le Sauveur du monde, c'est contempler en Jésus fatigué l'Homme-Dieu seul capable de réconforter tous ceux que la vie a blessés, fragilisés, épuisés. Sur la croix du vendredi saint, l'une des dernières paroles du Christ sera sa première parole à la Samaritaine : « J'ai soif ». Il mendie notre amour. De son cœur ouvert jaillit des sources d'eau vive où chacun pourra, à la mesure de son désir, venir y étancher sa soif.

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