Deuxième dimanche ordinaire A - 2007-2008

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Jésus reprend en lui tout le mouvement prophétique du Premier Testament pour le porter à un point d’incandescence inouï : il est « Fils de Dieu. » Un fils qui est Serviteur. On ne peut être Fils, image du Père, qu’en se faisant serviteur, ou plus précisément comme le dit l’évangile d’aujourd’hui, qu’en se faisant  « agneau ».

Agneau-Serviteur : pour comprendre l’image, il faut ouvrir le livre d’Isaïe : le Serviteur de Dieu comparé à un agneau au verset 7 du chapitre 53 : « Maltraité, il  s'humilie, il n'ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l'abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n'ouvre pas la bouche. » Mais que représente la figure de l’agneau ? Il est celui, nous dit le texte prophétique qui « a été transpercé par nos fautes, broyé par nos péchés... Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui… ».

Mais alors en quoi donc consiste le péché du monde ?

Le mot désigne la violence meurtrière, qui peut se pratiquer dans le domaine social, économique ou sexuel. Chaque fois qu’un être humain est réduit à l’état d’objet de profit ou de jouissance, on est dans le meurtre : l’homme parfaitement réduit à l’état d’objet, c’est bien le cadavre. Le péché du monde, c’est que les petits et les faibles continuent d’y être écrasés, qu’il y ait des millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui souffrent de la faim, que des enfants soient enlevés pour en faire des soldats, que des centaines de milliers de familles soient chassées de leurs maisons et de leurs terres par la guerre, que les riches deviennent plus riches et que les pauvres deviennent plus pauvres, qu’on consacre des milliards pour fabriquer des engins de morts et qu’on ne trouve pas les moyens suffisants pour développer des médicaments génériques capables de soigner efficacement et de guérir.

En face des prédateurs de tous poils, l’agneau est l’animal que l’on tond, que l’on égorge, que l’on dévore. Le Christ-agneau porte, supporte et emporte le péché du monde parce qu’il se met à la merci de tous les prédateurs. Inconsciemment, nous lui en voulons pour cela. Nous préférerions qu’il surmonte la violence par un surcroît de violence, entreprise  insensée puisqu’elle ne peut que redoubler la spirale infernale de la violence. Pour ne plus être choqué par le scandale de la croix, il faut d’abord prendre conscience de notre propre violence pour la désavouer. C’est cela que l’on appelle « conversion ».

Cet agneau que nous avons dévoré, voici qu’il devient pour nous nourriture pour la vie éternelle. C’est bien cela que nous signifions par l’Eucharistie. En Apocalypse 5, 1-14, nous lisons que seul l’agneau qui a été égorgé (par nous) est digne de briser les sceaux du Livre et de le déchiffrer. Quel Livre ? La suite du texte nous en dit le contenu : il s’agit des catastrophes qui frappent l’humanité. Le Livre de l’histoire humaine, de nos joies et de nos larmes, de nos conflits et de nos réconciliations. À travers cela, qui paraît à première vue absurde, privé de sens et rempli de fureur, se vit l’histoire de Dieu avec les hommes.

Du coup, tout retrouve un sens, une direction ; tout s’achemine vers un terme. Ce terme, c’est le don aux hommes de l’Esprit de Dieu, cet Esprit qui nous rend conformes au Fils. Dans notre évangile nous le voyons venir sur le Christ et demeurer en lui. En nous unissant au Christ par la conversion, les sacrements et la prière, nous pouvons laisser l’Esprit demeurer en nous et nous faire apporter dans ce monde de violence un peu de justice, de paix et de lumière.

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