Solennité du Christ-Roi A

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Aujourd’hui, fête du Christ-Roi, dernier dimanche de l’année liturgique, l’évangile nous rappelle que nous serons jugés sur l’amour. Déjà le prophète Ezéchiel dans la première lecture, nous présentait Dieu comme un berger : « C'est moi qui ferai paître mon troupeau, et c'est moi qui le ferai reposer... La brebis perdue, je la chercherai ; l'égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la soignerai…».

Voilà déjà un enseignement très fort pour ceux qui portent la charge de la conduite des hommes. En ces temps de crise, mettre au centre les pauvres, les faibles, les démunis : tel est bien un message des prophètes bibliques. Mais prenons cette leçon aussi pour nous-mêmes. Chaque chrétien, par son baptême est fait « prêtre, prophète et roi ». Mais il ne le devient réellement qu’à la manière et à l’imitation de Jésus.

Or, Jésus est celui dont l’esprit est bouleversé par l'humanité démunie, là où sa vie, son droit et sa dignité sont menacés. Sa bonté est tellement forte qu’il s’identifie à elle. Il devient roi en devenant le pauvre, l’enfant, le crucifié : j'avais faim, j'avais soif, j'étais étranger, nu, malade, en prison… N'est-ce pas ce même Esprit, qui nous bouleverse devant la naissance d’un petit d’homme qui commence par être nu, affamé, assoiffé et entièrement livré à notre compassion.

A chaque fois qu'habités par le même Esprit que Jésus, sans le savoir, nous ne pouvons faire autrement que d’agir, brûlé de compassion, nous réalisons le Royaume préparé pour nous depuis la création du monde. «J’avais faim, vous m’avez donné à manger, j’avais soif, vous m’avez donné à boire, j’étais malade et vous êtes venus me visiter, etc.» C’est à partir de gestes simples que nous serons jugés : ces gestes de tous les jours que font les parents pour leurs enfants, de gestes qui peuvent être posés par chacun. Mon enfant pleurait la nuit, et je me suis levée pour le consoler et le soigner. Ma vieille maman ne pouvait plus bouger, et je l’ai aidée à sortir du lit pour s’assoir dans le fauteuil. Mes voisins étaient ravagés par un deuil, et je leur ai apporté de la soupe, la paroisse cherchait des bénévoles pour le catéchisme, et j’ai accepté cette charge. Mes collègues de travail avaient besoin d’être défendus, et j’ai pris des responsabilités syndicales et politiques…

Simone Veil, la philosophe écrivait : « (…) les êtres qui ont agi de la sorte (…) étaient dans un état tel qu'ils ne pouvaient pas s'empêcher de nourrir ceux qui avaient faim, d'habiller ceux qui étaient nus ; ils ne le faisaient aucunement pour le Christ, ils ne pouvaient pas s'empêcher de le faire parce que la compassion du Christ était en eux. « J'avais faim et vous m'avez secouru… » Quand donc Seigneur ? Ils ne le savaient pas. Il ne faut pas le savoir. Il ne faut pas secourir le prochain pour le Christ, mais par le Christ.»

Si je donne une pièce au clochard que je croise dans la rue en me disant que je me prépare ainsi une bonne place au Paradis, ce n’est pas le Christ que j’ai croisé là. C’est moi qui me suis contemplé en train de me faire du bien. Surtout que je ne verrai même pas que Jésus était juste à côté, ayant pris le visage de ce membre de ma famille à qui je ne parle plus depuis si longtemps pour des raisons obscures que je ne connais même plus ou encore mon voisin dont je jalouse secrètement le bonheur... Jésus est toujours là où on ne l’attend pas.

Aimons simplement, sans trop nous poser de question. Laissons le Christ agir en nous. Et nos gestes simples et gratuits deviendront, à notre insu, des instants d’éternité.

 

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