19e dimanche dans l'année A

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Le prophète Élie trouve abri contre les intempéries au creux d’une grotte. Et là, se tenant à l’entrée de la roche, il va éprouver le passage fugitif de Dieu. Le propre d’une grotte est de n'être ouverte que sur un côté. C’est une image de l’intériorité de l’homme. Chacun de nous est appelé à descendre dans la caverne de son cœur, mais en laissant ouvert un seuil à tous vents, pour écouter Celui qui passe comme le murmure d’un souffle léger. Si nous nous enfoncions en nous-mêmes, sans ouverture sur l’infini imprévisible de Dieu, sur l’Autre divin et sur tous les autres humains qui en sont les signes, nous  resterions enfermés dans l’enfer de notre ego. Au bord de l’anfractuosité, Élie écoute et entend, « la voix de fin silence », si on traduit littéralement l’hébreu. Et c’est précisément cette fine pudeur qui permet à Elie d’accueillir l'Esprit Saint qu’une hymne de la fête de Pentecôte appelle « l'Hôte léger de nos âmes ». « Lorsque l’intelligence surnaturelle voit quelque chose de subtil, de délicat, c’est qu’elle entend quelque chose touchant l’insaisissable substance de l’éternité », écrit saint Grégoire le Grand (Morales sur Job).

C’est avec une semblable clé de lecture que nous pouvons ouvrir l’évangile de ce jour. Jésus se tient lui aussi « dans la montagne pour prier seul ». Jésus, connaît dans les évangiles des moments de grandes plongées dans les foules humaines, et puis des moments de solitude avec le Père. Dans le paysage de saint Matthieu, il y a, et la mer, et la montagne. Tandis qu'il est seul sur la montagne à « écouter la voix de fin silence », à écouter le Père, Jésus ne perd pas pour autant le souci des siens. Jésus est sur la montagne avec le Père et sur la mer avec nous. Jésus sur la montagne qui est le Père, Jésus sur l'océan qui est le monde : « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde. » (Jean 16, 28.) Jésus Fils, Jésus Frère. Jésus présent au Père, sans nous abandonner. Jésus avec nous, sans quitter le Père. Et tel doit être chacun de nous. Car la prière véritable ne coupe pas des hommes, pas davantage que la présence aux hommes n'loigne du Père.

Lorsque « vers la fin de la nuit »  Jésus  approche de ses apôtres apeurés, il dit ces simples mots fraternels : « Confiance ! c'est moi ; n'ayez pas peur ! » Il n’est ni un « fantôme » ni un « surhomme », mais le frère, l’ami. Son humble je suis là avec vous de l'ami est l’écho du grand Je-Suis de la révélation de Dieu au Buisson ardent (Exode 3, 14). Je-Suis n'est pas fait pour affoler ; c'est la brise légère qui accompagne une présence et la signale. Le grand Je-Suis divin se manifeste par le simple être-avec-nous-tous-les-jours. Comme Élie avait senti la Présence avec certitude dans le plus léger souffle du vent, ainsi les disciples reconnaissent la présence de Jésus, dans sa plus quotidienne humanité. Comme Jésus lui-même, priant le Père sur la montagne, expérimente la présence du Père à travers la paisible obscurité de sa prière d'homme, les disciples, à leur tour, reconnaissent dans l'habituel compagnonnage de Jésus avec eux la Présence de l’Indicible, la révélation de la Gloire du Père. L'humanité du Fils est elle-même, la « voix de fin silence », ou encore « la faible brise ». L'humilité de l'homme Jésus (Philippiens 2, 5-8) est le lieu de la Révélation ultime et plénière de Dieu. Pour aller à Dieu, il faut accepter l'humble et silencieux être-là de l'eau, du pain, du vin, de la parole, des Écritures, de la communauté et du plus petit de nos frères (Matthieu 25, 40).

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