20e dimanche dans l'année A

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Au Moyen-Orient, dans l’Antiquité comme aujourd’hui, le chien est mal vu. Traiter quelqu’un de chien est une grave injure. Dans la Bible, on ne trouve pas un passage qui parle avec sympathie du chien. On ne connaît rien de comparable au récit émouvant d’Homère où Argos, le vieux chien d'Ulysse, reconnaît immédiatement son maître, après vingt ans d'absence, et en meurt sur place. Le chien est très mal considéré dans la Bible. Il faut attendre ce petit évangile pour que l’animal le plus méprisable pour un sémite devienne le petit chiot sous la table de son maître.

Jésus n'est pas très gentil avec la cananéenne. Mais elle a de la répartie. Avec culot et humour, elle lui dit que si le repas n'est pas fait pour les chiens, elle, elle est un petit chien qui a quand même droit aux miettes. Elle se sert de la rebuffade de Jésus pour la lui retourner. Elle le bat sur son propre terrain. Jésus en est complètement médusé : « Femme », dit-il avec admiration, « ta foi est grande, » Cette foi a vaincu toutes ses réticences. « Que tout se fasse comme tu le veux. »

Le plan de Dieu consiste à sauver tous les hommes, mais ce salut passe avant tout par le choix d'Israël. C'est à travers Abraham, Moïse et les prophètes que Dieu se choisit un peuple par qui, ensuite, tous les autres seront appelés au banquet divin. « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël », dit Jésus. Il ajoute ailleurs : « Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville de Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. » (Matthieu 10, 5-6). Les Actes (1, 8) rapportent une recommandation semblable : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre ». Jésus veut commencer par le commencement, c’est-à-dire par inviter le peuple porteur des promesses divines. Mais cette femme va lui faire accepter de bousculer ses plans.

Le revirement de Jésus face à la cananéenne est donc comme une leçon d’ouverture, et pour les disciples, et pour les premiers chrétiens de la communauté de Matthieu, et pour nous-mêmes On retrouve déjà cette ouverture dans la première lecture. Isaïe écrit pour des d’anciens exilés à Babylone revenus dans leur pays. Le temple de Jérusalem va être reconstruit, et voilà que certains païens désormais installés au pays vont demander à y entrer : quelle attitude adopter à leur égard ? Isaïe se montre ferme : « Parole de Dieu, écrit-il,… ma maison s’appellera ‘maison de prière pour tous les peuples' ».

Dans la seconde lecture, l’apôtre Paul, Juif lui-même, s’adresse à « ceux qui étaient païens » et qui sont devenus chrétiens, et il explique pourquoi il a pratiqué personnellement l’ouverture aux païens. Après sa conversion, Paul a compris que la mission du peuple Juif, depuis le début de son histoire, consistait, non à se réserver son Dieu, mais à le faire connaître à « toutes les personnes de bonne volonté ». Oui, écrit l’apôtre, « Dieu fait miséricorde à tous les hommes ».

L'autre possède une part de cette vérité que je ne connais pas et que je cherche. L’étranger qui nous bouscule à quelque chose à nous apporter. Nous pouvons être enrichis par l’autre. Méfions-nous des jugements trop rapides sur les non-croyants. La ligne de démarcation ne passe pas par le registre des baptêmes. Elle passe par les cœurs.

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