22e dimanche dans l'année A

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Saint Pierre est un personnage de l’Evangile auquel il est facile de s'identifier. Pierre, c’est moi, dit-on souvent. Mais si nous nous sentons proches de lui, il nous faut prendre aussi pour nous-mêmes, dans toute sa rudesse, la gifle qu’il a reçue de Jésus. « Passe derrière-moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route, tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». Pierre n’a pas dit une sottise, il n’a pas fait une gaffe. Il a blasphémé. Il a rejeté Dieu.

Lorsque nos pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes, ce n’est pas seulement une bourde. C’est un rejet de Dieu, c’est une coupure de la Vie. Quand nous mettons-nous dans cette attitude de mort ? Lorsque nous refusons de porter la croix.

Refuser de porter sa croix, c’est voir dans les échecs, les souffrances, les maladies, les accidents, la mort de ceux qu’on aime, la victoire de l’absurde, de l’injustice, de la violence. Voilà pourquoi,il y a là quelque chose de satanique : refuser de porter sa croix à la suite du Christ, c’est refuser que Dieu entretienne en nous le goût de vivre, malgré toutes les adversités, C’est se priver d’être mystérieusement habité par « la petite fille espérance » comme l'appelait Charles Péguy.

Porter sa croix, au contraire, c’est croire follement qu’avec l’échec, le malheur, la mort, se trouve mystérieusement, non pas une impasse, mais un passage. C’est croire à l’impossible. C’est croire que la vie est plus forte que la mort.

Le Prophète Jérémie en avait déjà fait la dure expérience. Il s’écrie dans son dépit : « je ne penserai plus à Lui, je ne parlerai plus en Son Nom » ! Mais cette résolution n’avait résiste pas à la séduction du Seigneur. « Il y a en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être je m’épuise à le maîtriser, sans y réussir » !

Cette séduction de la grâce, ce lancinant appel à chercher Dieu, envers et contre tout, malgré toutes les épreuves et les rebuffades, les désillusions et les moments de désert et d’angoisse, tout cela constitue le cœur de l’expérience de tous les chercheurs de Dieu. C’est ce nous dit saint Paul dans la deuxième lecture : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait ». La rencontre de Dieu est une mise en route qui nous entraîne bien au-delà de ce que nous aurions pu imaginer ou concevoir.

Mais ce n’est pas une logique de mort ! Non, pour Jésus, il s’agit de saisir à pleines mains ce désir de vivre, mais non une vie limitée à nos petites perspectives humaines, mais à pas moins que l’infini de la vie divine. Quand on sait que Dieu nous appelle à la vie et à la vie en plénitude, il devient impossible de dire : je ne penserai plus à lui. Il s’impose à nous.

Portons nos croix avec la confiance paradoxale que les épreuves, les malheurs ne sont pas des lieux où la vie est violemment absente, injustement et définitivement expulsée, Acceptons de découvrir que le Seigneur reste à tout jamais le Dieu de la vie jusque, et y compris, nos chemins de croix.

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