33e dimanche dans l'année A

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Décidément les paraboles de Jésus sont dérangeantes. Celle que nous venons d’entendre ne fait pas exception à la règle.  Le partage inégalitaire entre les serviteurs, la logique du gain adoptée par les deux serviteurs déclarés avisés et le sort réservé à celui qui est dit incapable, l’invitation au rendement maximum sont fort peu… évangéliques ! C’est l’indice qu’il ne faut pas prendre ces images au premier degré, mais en découvrir le sens profond.

Un talent, à l’époque de Jésus, est un capital très important, un gros lingot d’or qui vaut 30 années de salaire : quasiment toute une vie. Deux ou cinq talents représentent donc une fortune colossale.

Ces talents généreusement confiés par le « Maître parti en voyage », - entendons Dieu lui-même -, représentent notre vie reçue gratuitement, le monde à construire, le joyeux message de l’évangile à partager. Retenons donc d’abord que, dans la perspective de son Royaume qui vient, Dieu a remis toute une vie entre nos mains pour que nous la fassions fructifier.

Dans la parabole, chacun aussi reçoit à la mesure de ses possibilités. Ce ne sont pas les chiffres qui importent, mais de faire tout son possible. Les deux serviteurs qui ont doublé l'apport initial sont félicités de la même manière. Si le troisième avait produit un seul « talent », il aurait eu droit au même compliment.

Le grand enseignement de ce récit est que Dieu nous associe à ses affaires, c'est-à-dire à son Royaume ; chacun reçoit sa part de responsabilité. Dieu nous veut actifs, imaginatifs. Il nous place dans un monde rempli de possibilités pour que nous soyons créateurs avec lui. Sommes-nous de ceux qui agissent ou de ceux qui enfouissent ? Ne rien faire de mal ou même ne rien faire du tout n'est pas synonyme de bien faire ! «J’ai rêvé qu’un homme se présentait au jugement de Dieu, racontait Raoul Follereau, l’apôtre des lépreux de mon enfance. Et il disait : «Tu vois, Seigneur, j’ai obéi à ta loi, je n’ai rien fait de malhonnête, de mauvais, d’impie. Mes mains sont propres...» - «Sans doute, répondit le Seigneur, sans doute, mais tes mains, elles sont vides ! En fait, tu n’as rien fait, tu n’as rien risqué, rien produit. » Dans la parabole des talents, Jésus nous rappelle qu’il n’existe pas de vrai christianisme sans engagement et sans risque.

 « J'ai eu peur ! » dit le troisième serviteur pour s'excuser. Il n'a rien gaspillé. Il n'a rien perdu. Il n'a rien fait. Il n'a pas vu la confiance qu’on lui faisait en lui donnant cette somme énorme. Il s'est laissé envahir par la peur, car il portait, sur le maître qui l'avait comblé, un regard biaisé par la défiance. Il a imaginé sa dureté et son intransigeance au lieu de voir sa générosité.

Notre regard sur le Seigneur conditionne notre engagement. La confiance fait oser et entreprendre. Sommes-nous actifs ou passifs ? « Endormis ou vigilants » comme nous y invite saint Paul (2e lecture). Enterrant notre talent comme le troisième serviteur ou en rapportant cinq autres, comme la femme vaillante du livre des Proverbes ? Si cette femme est digne d’éloges, c’est parce qu’elle donne aux tâches de tous les jours une dimension d’amour et d’espérance. Devenons des « serviteurs bons et fidèles. »

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