Huitième dimanche ordinaire B -2006

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Ses parents l’avaient mis en garde : « Tu vas faire une bêtise. » Au village, ça cancanait ferme. La fille avait mauvaise réputation. « Cela ne durera pas », disaient les gens. Ils eurent pourtant trois enfants. Le ménage marchait cahin-caha. Mais, un beau jour, elle a décampé. Elle a refait le trottoir à la ville voisine. L'homme a piqué une colère terrible. Il s'appelait Osée et sa femme Gomer. Mais une fois sa colère passée, il a dit à ses amis : « Mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l'entourer. Je lui parlerai au cœur pour qu'elle revienne. »

Plus stupéfiant, voilà qu'il s'est mis à raconter sa mésaventure en prétendant que cette histoire était celle de Dieu. Dieu était cet amoureux téméraire qui avait voulu faire alliance avec une femme infidèle et qu'il l’a de nouveau courtisée après son abandon. La fille volage, c'était Israël et plus largement, l'humanité. Cette histoire est celle du prophète Osée. Et ce texte vieux de 2800 ans, donne tout son poids à l'évangile d’aujourd’hui.

Aux pharisiens qui demandent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas comme les disciples du Baptiste ? », il répond : « Les invités à la noce pourraient-ils jeûner quand l'époux est avec eux ? » Jésus se déclare l' « Epoux » divin qui vient renouer l'alliance avec le peuple infidèle. Il est là pour rendre visible le Dieu « amant » dont parlait le prophète et qui veut faire confiance encore et toujours, malgré les infidélités de son peuple. Il veut qu'au banquet de noce tous soient invités, y compris les boiteux, les infirmes et les pécheurs. Jésus s'invite à leur table, il mange avec eux, pendant que les Juifs pieux jeûnent. Quelle audace et quelle nouveauté, qui ne pouvaient que scandaliser les bien-pensants ! Et Jésus, entre déception et humour, conclut : « Personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres. La fermentation ferait éclater les outres, à vin nouveau outres neuves ! »

Acceptons de nous poser deux questions :

- A quel Dieu croyons-nous ?

Un Dieu Amour ou un Dieu comptable ? La question n'est pas déplacée. Sommes-nous complètement débarrassés de ces images d’un Dieu qui punit et même un Dieu qui récompense, pour retrouver le Dieu amoureux du prophète Osée :  « Dieu s'est épris d'amour pour l'homme, pour sa créature qu'il a trouvée belle. Comme tous les amoureux, il a voulu cette folie de devenir l'autre : homme » ! (Bruno Chenu). L’incarnation est événement nuptial : Dieu épouse toute la fragilité de la condition humaine et l’homme se voit doté de toute la solidité de Dieu. La vie ne peut pas être tout à fait la même selon que Dieu est perçu comme un Puissant qui vous domine, ou s’il est connu comme un Être qui vous propose une relation amoureuse. « Je vais te séduire, t’entraîner au désert, te parler cœur à cœur ... »

Dieu s’offre. Jésus s’offre. Et il nous est proposé de nous offrir en réponse. Car dire « Mon Dieu est mon époux ! » n’est pas une affirmation réservée à quelques mystiques comme Thérèse d’Avila ou Jean de la Croix. Elle peut devenir la réponse d’amour de chacun d’entre nous. La religion dès lors ne saurait être morose. Elle est une aventure amoureuse. Certes, dans toute histoire d’amour il y a « des hauts et des bas », des épreuves et des bonheurs.   « Un temps viendra où l’Époux leur sera enlevé ; ce jour-là ses amis jeûneront », prévient Jésus. Mais la note qui domine l’Évangile, c’est la joie.

- Pourquoi jeûner ?     

Jésus a l’air de dire que tant qu’il est là avec ses disciples, on en est au temps des noces et qu’il n’est pas question de jeûner. « Le temps où l’époux leur sera enlevé : ce jour-là ils jeûneront. » Le jeûne dont il s’agit pourrait bien être l’invisibilité actuelle de Jésus. Jésus est « avec nous », mais c’est dans la nuit de la foi. Le jeûne est l’absence de la claire vision. C’est aujourd’hui dans la foi qu’il s’agit de nous comporter avec cette totale nouveauté (outres neuves, vêtements neufs) pour accueillir la perpétuelle fraîcheur qu’est le Christ lui-même qui vient chaque matin nous proposer « l’Alliance nouvelle… de l'Esprit du Dieu vivant…» (2ème lecture)

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