Deuxième dimanche de carême B - 2009

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Comment ne pas être horrifié à l’écoute de la première lecture de ce dimanche ? Dieu est-il sadique, une divinité odieuse et sanguinaire ? La clé de l’énigme se trouve dans le texte hébreu du récit. Elohim, le nom des dieux qui demandent le sacrifice de l’enfant, c’est l’ancien dieu des juifs quand ils n’étaient pas encore un peuple. C’est le dieu de la tradition ancienne des sociétés qui tuent le meilleur d’elles-mêmes, les enfants premiers-nés, pour que la divinité leur soit propice. Mais le texte fini avec un autre nom de dieu, YHWH (Adonaï), celui qui envoie son ange, celui qui a donné la loi à Moïse, une loi qui dit  : « tu ne tueras pas. » En contact prolongé avec des païens, Abraham a pu se laisser contaminer par leurs croyances et en venir à penser que les dieux exigeaient le sacrifice de son fils. Mais au moment fatidique, le seul et vrai Dieu, YHWH, a arrêté son bras. Abraham a compris, à la clarté de sa conscience, que Dieu ne veut pas la mort de l’enfant et contre la coutume païenne, il lui a substitué un bélier.  Du coup l’épisode s’éclaire : les dieux imaginés par les hommes sont animés par nos impulsions les plus brutales et les plus cruelles, tandis que le seul vrai Dieu, YHWH, tel qu’il s’est révélé à Israël, rejette absolument ces ignominies.

Certes Paul en sa lettre aux Romains, telle que nous l’avons écouté aujourd’hui, nous dit que « Dieu n’a pas refusé son propre Fils. » Toutefois ce n’est pas Lui qui l’a envoyé à la mort mais un mélange bien humain d’inconscience et d’ intérêts politico-religieux. Ce que Paul nous dit c’est que Dieu ne nous a pas refusé son propre Fils. Il ne l’a pas gardé pour lui comme un Père possessif. En nous livrant son Fils, il nous a tout donné. Et Paul alors reprend : « qui accusera ceux qui Dieu a choisis ? » Qui craindre alors ? Comment ne vivrions-nous pas toujours en confiance ?

Sur la montagne, les disciples Pierre, Jacques et Jean sont les témoins éblouis et dépassés du visage éblouissant de Jésus. Il irradie de lumière par tout son corps et ses vêtements deviennent d’une blancheur resplendissante. Sur le mont Thabor, nous n’avons plus un père qui monte avec son fils mais un Fils qui monte vers son Père. Librement. Un Fils qui n’a jamais eu le moindre doute sur l’amour de son Père, dont il sait qu’il « donne de bonnes choses à ses enfants » (Luc 11,13).

Et il s’entretient avec Moïse et Elie. Moïse a enseigné ; Elie a guéri les malades. Jésus guérit et Jésus enseigne. A la fin de sa course, Elie, dans sa marche de 40 jours vers la montagne de l’Horeb, a découvert la douceur de Dieu : un Dieu qui passe comme « la voix d’un fin silence » (1 Rois 19,12). Et de Moïse, il est dit qu’il « était très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nombres 12,3). Jésus est « doux et humble de cœur » (Matthieu 11,29). Cet entretien a lieu à un moment très particulier de la vie de Jésus. Il monte vers Jérusalem pour y rencontrer sa mort. Que peuvent lui dire Moïse et Elie ? Ils  avaient été pris en Dieu : Jésus sera rendu à la vie par le Père. Jésus sait davantage ce qu’est être un fils. Donner sa vie pour le bien d’une multitude. Moïse et Elie avaient donné leur vie pour leur peuple. Jésus donnera sa vie pour la multitude.

Et si être Fils finalement, c’était paradoxalement faire comme le Père ? Donner sa vie gratuitement, sans rien en retenir, joyeux que d’autres la reçoivent et, dans ce don même, la retrouver au centuple. Tel est le secret de la joie du Père comme du Fils. Telle sera notre joie si nous écoutons et le Fils et le Père. Telle est la parole entendue au mont Moriah comme au Mont Thabor.                

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