Sixième dimanche ordinaire B - 2009

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Pauvre Dieu, ai-je envie de dire... On le met à toutes les sauces, on l'utilise pour toutes les causes... La religion devient de plus en plus bien inquiétante avec ses fondamentalismes, chrétiens, musulmans, juifs, hindouistes ou autres... Les récentes maladresses vaticanes nous le rappellent douloureusement. Où est Dieu ? Que dit-il ?
Aussitôt que le lépreux est guéri, Jésus le renvoie avec cet avertissement sévère : « Attention, ne dis rien à personne ! » Jésus sait que ses actes, son message, son identité risquent sans cesse d’être détournés de leur sens et mal interprétés. Il sait que l’homme se construit un dieu à la mesure de ses fantasmes de toute-puissance. Il sait aussi que ceux qui disent agir au nom de Dieu confondent parfois leurs propres désirs de revanche et de vengeance avec la volonté divine. Et quand nous voulons, à tout prix, défendre les droits de Dieu, en fait, ce sont nos besoins de puissance que nous voulons défendre.
« Va te montrer aux prêtres », dit Jésus au lépreux. Eux devraient pouvoir comprendre le sens de cette guérison : elle est un témoignage de l’action bienveillante et discrète de Dieu. D’un Dieu pris de pitié devant l'immense souffrance qu'est l'exclusion, d’un Dieu qui veut le salut et le bonheur de ses enfants. « Si tu veux, tu peux me purifier ». « Je le veux, sois purifié ». Rien ne s'impose, mais dans la confiance réciproque tout est possible. La compréhension, la guérison, la réintégration… et Jésus va plus loin que simplement guérir par la parole. Il pose un acte, il touche le lépreux, bravant les préceptes de son peuple et de sa religion. Il se solidarise avec l'exclus et lui redonne sa dignité.
La prière, la méditation, la compassion sont une étape essentielle de notre vie chrétienne. Mais il nous faut aussi passer à l'action, prenant exemple sur saint Paul : « en toutes circonstances, je tâche de m'adapter à tout le monde. » Paul nous invite à le prendre comme modèle, car son « modèle c'est le Christ ».

Sans les œuvres, la prière et la foi sont lettre morte et trahison de l'Évangile. Une fois de plus la radicalité de l'Évangile ne peut nous laisser dans la piété sans passer à l'action. Les appels sont nombreux et nous entourent. Saurons-nous nous laisser toucher, au nom du Christ, et comme lui toucher l'exclu à notre porte ou sur notre chemin ?
La lèpre présente une image enlaidie de l'homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Dieu ne supporte pas la laideur de l'exclusion de l'homme: le mépris, la haine, le rejet, le refus d’amour. Mais sa colère est douceur car elle est compassion : « Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha ». La réaction de Dieu devant la déchéance de l’homme n’est pas la haine, la condamnation ou l’incitation à la violence comme le font tous les intégrismes. Elle est le bouleversement du cœur, la compassion, la tendresse humble et silencieuse : « Ne dis rien à personne ! »
Tout ce qui abîme l'homme, blesse Dieu et devrait nous blesser également. Nous avons à réagir, mais uniquement avec les armes de la tendresse et de la compassion. Seul l’amour concret, effectif, restaure en chaque humain l’image de Dieu. Car Dieu révélé en Jésus, est vulnérable : il est manifesté tout autant qu’il est caché dans le visage de l’humain. Il est caché par la haine et la violence faite à n’importe lequel visage. Il est révélé dans sa beauté par la compassion et l’amour exprimé à un visage.
Bientôt nous entrerons en carême : ce sera l'occasion d'approfondir notre prière et tout autant d'élargir notre partage concret par les collectes en faveur des exclus de notre monde.

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