Sixième dimanche dans l'année B - 2012

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Un lépreux : c'est par ces mots que commence l'évangile d'aujourd'hui. Rien de plus impersonnel, de plus anonyme  que ce personnage uniquement désigné par sa maladie. Un lépreux n'est plus qu'on objet à jeter. Sans relations humaines ni consolations religieuses, exclu de la société, excommunié du culte, il n'est plus qu'une pourriture qui souffre et qui crie : « impur ! impur ! » Un mort vivant… L'horreur de ce fléau, le plus redouté de l'ancien Orient, a fait que ce mal très contagieux, qui ronge et défigure l'être humain, est devenu la figure d'un pourrissement plus redoutable encore, celui  du cœur.

Mais ce lépreux a osé passer au-dessus des peurs et des interdits. Il est tombé aux pieds de Jésus et l'a supplié : « Si tu le veux, tu peux me purifier ». « Pris de pitié devant cet homme », dit le texte. Rien ne le rebute, rien ne le dégoûte. Il touche l'intouchable. La main sans tache de Jésus qui vient effleurer ce qui est blessé en l’homme. Cette main tendue, comme celle de la célèbre fresque de Michel Ange au plafond de la Chapelle Sixtine, pacifie, purifie, guérit, ressuscite. Nous sommes des êtres corporels qui avons besoin de signes charnels. Alors, il y a l'eau de nos baptêmes qui coule sur nos têtes, il y a le pain de vie qui touche notre main et s'assimile à notre corps dans l'eucharistie. Jésus, aujourd'hui comme hier, purifie  la lèpre de nos péchés.

Le récit pourrait s'arrêter là. Mais il rebondit. Jésus aussitôt chasse le lépreux en le rudoyant. Pourquoi le rabroue-t-il ? Pourquoi passe-t-il de la pitié à la sévérité ? Rappelons-nous, il y a quinze jours, nous entendions Jésus imposer silence à l'esprit mauvais qui enchaînait un homme dans la synagogue de Capharnaüm. Ici, l'homme guéri de son mal est obligé de se taire.

Si Jésus exige le secret, c'est qu'il veut qu'on descende lentement jusqu'au mystère de sa personne, qu'on ne s'arrête pas au spectaculaire, qu'on ne courre pas après le prodige en oubliant de découvrir cette joie profonde de se découvrir comme un enfant aimé, et qui aime à son tour.

Ce n'est pas notre peau superficielle qui est malade, c'est notre cœur profond. Plus terribles que celles qui n'atteignent que notre chair, les maladies de l'âme rongent notre liberté, détruisent notre joie de vivre. Et c'est jusque là que Jésus veut nous purifier.

Les miracles, c'est dangereux pour Jésus. Ils peuvent faire déraper sa mission. La vraie santé proposé par Jésus, c'est à la lumière de sa mort et de sa résurrection qu'on peut la comprendre. Les guérisons ne sont que des annonces très partielles de la Résurrection.

Retenons la leçon pour nous-mêmes. S'il est nécessaire de « proclamer la Parole », de témoigner de ce que Dieu fait pour nous, encore faut-il le faire pour la gloire de Dieu. Il y a une façon tapageuse d'annoncer l'amour et la présence de Dieu qui n’est qu’une manière de se donner à soi-même de l'importance. Acceptons plutôt, dans l'humilité et le désintéressement, de nous laisser creuser et travailler dans le silence pour devenir ces instruments discrets où passe la puissance de vie de L’Esprit à travers notre simplicité et notre persévérante conversion.